Le projet de recherches Workflow, mené à l’écal par Tatiana Rhis, Guy Meldem, et Julien Tavelli et David Keshavjee (Maximage), s’intéresse aux nouvelles technologies de l’objet imprimé. Il consiste en une série d’expériences qui tentent de déjouer les technologies de production aujourd’hui à disposition, provoquer le hasard et les accidents afin d’obtenir des résultats inédits. Plus que de se questionner sur le détournement possible des outils, Workflow en explore la technicité, les modes de fonctionnement et les failles. Ce programme poursuit ainsi le champ d’expérimentations ouvert par le studio suisse Maximage depuis 2008. Déjà dans le cadre de leur diplôme à l’écal, Julien Tavelli et David Keshavjee associaient les techniques manuelles et numériques pour développer leurs propres outils de production, et notamment leurs propres modalités d’impressions. De leurs expériences sont nées, entre autres, la typographie « Programme », et la publication « Les impressions magiques », qui apparaît aujourd’hui comme un objet manifeste de leur démarche.
Un des premiers résultats du programme Workflow est la création d’une série de profils colorimétriques permettant de convertir des images numériques pour l’impression avec une, deux, trois, quatre ou cinq couleurs d’accompagnement, qu’elles soient basiques, pastels, fluos ou métallisées.
Le travail sur ces profils a deux visées. Il sert à sensibiliser les étudiants de l’écal à la gestion et la théorie de la couleur; mais il permet aussi, et ce pour la première fois, l’automatisation d’opérations et de réglages jusqu’alors réalisés au cas par cas et manuellement sur les logiciels de retouches et de PAO.
Revendiquant une solution « novatrice » et « professionnelle » pour le traitement de la couleur, l’écal et le programme Workflow lancent en 2016 le site www.colorlibrary.ch, qui propose ces profils à la vente. La plateforme apparaît comme une bibliothèque en ligne présentant une grande variété de profils aux différentes combinaisons colorées. Les différents profils s’affichent à l’écran, appliqués aux photographies de l’iranienne Shirana Shahbazi, qui semblent rejouer les codes des images types Photoshop—du papillon à l’œil et de la nature morte à la cascade.
À partir de l’analyse de la structure de cette plateforme, des langages esthétiques et terminologiques qu’elle convoque et de leurs limites, nous ouvrirons plusieurs champs d’investigations, plus largement liés à la question des outils et des modes de production des images.